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Être PM dans les médias, Episode 2 : Prioriser entre business et expérience utilisateur

Less than 1 minute Minutes

Aujourd’hui la plume est à Anita pour le second volet de la série “Être PM dans les médias”, pour retrouver le premier article sur “Formater l’information”, c’est par ici.

Comme tout produit, les médias ont pour but de séduire leur lectorat. Cela se traduit par la qualité du contenu proposé en accord avec la ligne éditoriale et une expérience utilisateur agréable sur tous les devices.

Il faut cependant compter avec les besoins business qui permettent aux médias d’engranger des revenus nécessaires à leur subsistance, et ceux-ci peuvent entrer en conflit avec la qualité de l’expérience que les équipes produit veulent mettre en place.

Générer des revenus

Pour exister, un média en ligne doit générer des revenus, et pour cela deux grands modèles coexistent : les abonnements ou la publicité.

Le modèle du revenu assuré par les abonnements seuls reste le graal mais difficile à atteindre pour des médias généralistes car la concurrence est immense. Tout média ne pouvant pas se reposer sur son seul nombre d’abonnés, comme le Washington Post avec ses 2,5 millions d’abonnés payants fin 2022, il faut savoir diversifier ses sources de revenus, ce qui passe souvent par l’affichage de pubs.

Beaucoup de médias combinent ces deux sources de revenus. L’abonnement va être issu de la fidélisation et de la mise en place de certaines contraintes pour accéder à du contenu payant tout en rendant ce contenu désirable. On travaillera l’acquisition, l’activation, la conversion et la rétention de manière assez classique.

Cette source de revenus a l’avantage d’être récurrente avec le renouvellement automatique, et d’une durée que l’on peut anticiper et modéliser selon les formules d’abonnement.

Le plus souvent une partie du contenu sera accessible sans abonnement ce qui va permettre de travailler le funnel d’acquisition, mais également d’activer une seconde source de revenus : la publicité.

Pub, UX, et performances : le dilemme du PM

Le consentement utilisateur : nerf de la guerre publicitaire

L’affichage de pubs relève souvent de plusieurs départements (marketing, régie publicitaire en interne ou en externe) et plusieurs stratégies peuvent s’appliquer comme afficher plus ou moins de publicités en fonction du degré d’engagement du visiteur.

Pour pouvoir appliquer ces stratégies, il est légalement nécessaire de récupérer le consentement des utilisateurs via une modale qui s’affiche à l’arrivée sur le site où l’application.

Sans consentement, pas de ciblage, pas d’affiliation, pas de suivi des clics sur les publicités et donc pas de revenus pour le média.

Le contenu des modales de consentement est très normé et régulé, et laisse peu de créativité dans le discours hormis rappeler que la publicité finance le travail journalistique.

Il est donc difficile de convaincre de cliquer sur “accepter” sur ces encarts (soyons honnêtes, qui les lit encore ?), et il n’est malheureusement pas rare de croiser des dark patterns à cet endroit, ce qui est assez révélateur des rapports de force qu’il peut y avoir entre la régie (objectivée sur le revenu pub) et le produit.

L’utilisateur·ice qui souhaiterait refuser l’usage des cookies se verra imposer certaines contraintes, généralement un bandeau masquant une partie du site, voire l’impossibilité d’y accéder à moins de s’abonner.

illustration consentement cookies libération
Exemple chez Libération : le seul moyen de refuser l’usage des cookies sur le site est de s’abonner.

Avec un abonnement, vous pourrez vous concentrer sur le contenu de l’article que vous souhaitez lire sans contrainte. Dans le cas contraire, vous verrez des contenus publicitaires plus ou moins invasifs notamment en format mobile où l’espace partagé entre contenu éditorial et publicitaire est plus restreint. On ne compte plus les pubs vidéos qui s’affichent par-dessus le contenu sur mobile, suivent la navigation, et ne peuvent être fermées qu’en visant bien une croix bien trop petite pour notre index.

Le ou la PM se retrouve alors dans une position assez inconfortable, où l’UX et le business s’opposent.

Alors comment sortir de l’impasse et comment prioriser ?

Evidemment, dire que business et UX s’opposent ici est un peu caricatural. On se doute bien qu’une UX fortement déteriorée au profit d’un chiffre d’affaires immédiat est une mauvaise stratégie business à long terme.

Il est surtout question de prioriser et de trouver l’équilibre entre une quantité (et une qualité) de publicité suffisante pour répondre aux objectifs d’une régie publicitaire, et accepter un niveau de dégradation de l’UX pour rendre l’abonnement attractif sans faire fuir les utilisateur·ice·s.

Pour attirer, la qualité éditoriale joue évidemment un rôle majeur mais on laissera cet aspect de côté ici car ce n’est pas vraiment entre les mains du produit.

Pour revenir à notre problème, imaginons quelques pistes de réflexion en tant que PM dans un média.

Il serait envisageable d’ajouter une frontière supplémentaire : par exemple offrir une expérience allégée en publicités sans pour autant les supprimer pour le visiteur connecté avec un compte gratuit.

L’équipe produit pourrait défendre ce positionnement avec un double objectif :

  • accroître la rétention des lecteur·ice·s récurrent·s
  • augmenter la conversion des connecté·e·s (compte gratuit) en abonné·e·s (abonnement payant)

Il faudrait pour cela mettre en regard les revenus générés par les visites de ce segment avec les projections d’abonnement, voire mener des actions pour améliorer les parcours de prise d’abonnement en vue d’améliorer le taux de conversion.

Au niveau stratégique, il faut également s’accorder sur les objectifs à remplir : préfère-t-on augmenter le nombre d’abonnements ou le revenu publicitaire ?

En tout cas une chose est certaine, en tant que PM dans les médias : pour défendre l’UX, il faut parler business.

Pub et webperformances

Un dernier aspect à prendre en compte dans les arbitrages vis-à-vis de la pub est celui des webperformances.

Une page web qui ne charge pas correctement augmente les chances que le visiteur quitte la page avant de l’avoir vue complètement, et notamment sans avoir vu la publicité qui n’aura pas encore chargé.

En effet les publicités sont des composants assez lourds, et on donnera la priorité à l’affichage aux éléments importants tel que le titre et l’image d’illustration d’un article.

Une page trop lourde va aussi pénaliser la remontée des articles dans les moteurs de recherches, donc le nombre de visites et finalement le revenu publicitaire.

Ces considérations doivent donc être remontées assez tôt au business et inclues dans le cadre des négociations avec les différents partenaires.

Les alternatives aux encarts publicitaires classiques

Les smartfeeds en bas de page

Le bas de page dans un article est un espace particulier car il est un terrain de jeu privilégié pour le SEO, pour optimiser le maillage interne. Les articles y ont souvent un meilleur taux de clic car ils se présentent une fois la lecture d’un premier article terminée.

Cela en fait donc aussi un espace prisé par des partenaires business. On ne compte plus le nombre de sites web qui affichent des blocs plus ou moins longs d’encarts publicitaires à cet endroit.

Deux acteurs se démarquent notamment sur ce terrain : Outbrain et Taboola. En mêlant retargeting et articles internes, ils permettent d’afficher des pubs et des articles natifs sous une présentation différente.

illustration smartfeed outbrain
un exemple de smartfeed

Le cas d’Outbrain ou Taboola se distingue des autres services publicitaires, les contrats sont généralement négociés sur plusieurs années entre le département business et le partenaire.

Il faut pouvoir être inclus assez tôt dans les discussions pour ne pas que les exigences du contrat (qui peuvent porter sur l’emplacement, la taille, ou l’apparence de ces contenus) n’entrent pas en conflit avec les futures fonctionnalités du Produit et les objectifs du SEO.

Apolline, PO abonnement dans un groupe de presse, raconte : “La question des blocs Taboola revient souvent car lors de tests utilisateurs, ceux-ci étaient unanimes : ces publicités plus ou moins dissimulées nuisent à l’expérience utilisateur mais aussi parfois à l’image de marque car ils regorgent de clickbait parfois franchement racoleurs. Ils étaient perçus comme de la publicité bas de gamme, quand ils n’étaient pas confondus avec de vrais articles mais renvoyant finalement vers un site publicitaire. Les personnes interrogées se sentaient alors trompées ou confuses. Du point de vue UX, tout poussait à les supprimer.

Mais alors que personne lors des tests n’admet ou ne se souvient avoir cliqué volontairement sur ces blocs, une majorité clique tout de même une fois de temps en temps, et cela est suffisant pour faire de Taboola un partenaire profitable pour les médias.

Pour autant, l’impact sur l’image de marque qu’ont démontré les tests nous a poussé à estimer le manque à gagner de son retrait, et finalement à supprimer ces blocs pour les abonné·e·s”.

Inclure de la pub dans les contenus éditoriaux

Ajouter des emplacements de pub partout a ses limites, il ne s’agit pas de faire fuir les lecteur·ice·s.

Une méthode moins invasive est d’inclure des contenus publicitaires dans les contenus éditoriaux. Les stratégies éditoriales incluent la production de contenus thématiques avec pour objectif de ramener des visites sur le site.

Les newsletters en sont un bon exemple : les destinataires ont déjà manifesté leur intérêt en s’y inscrivant et en l’ouvrant régulièrement, ce qui se mesure par le taux d’ouverture et le taux de clics. Elles ramènent donc une audience ciblée que l’on peut exposer à des pubs qui correspondent à leurs intérêts.

Dans la même veine que les newsletters, et dans une volonté de ne pas dépendre totalement de l’actualité pour asseoir son audience, de nombreux médias lancent des sections transverses, en complément des catégories d’actualité chaude ou froide. De nouvelles sections centrées sur le jardinage ou l’immobilier par exemple vont ramener une audience avec un intérêt commun à laquelle il sera plus facile d’afficher les publicités adéquates.

Enfin un dernier levier est possible avec les partenariats. Là encore le pôle business est central car c’est lui qui va les créer et les maintenir. En fonction des revenus attendus ou envisagés, il est possible de négocier une diminution des encarts publicitaires contre l’affichage d’un flux partenaire en footer, ce qui impacte moins l’expérience utilisateur.

En conclusion, promouvoir la culture produit dans les médias, c’est aussi travailler avec des stakeholders business (régie, marketing) comprendre leurs objectifs et leurs différents leviers pour trouver des solutions à la fois profitables et adaptées à une expérience utilisateur attractive.

Ca y est, vous savez maintenant (presque) tout sur les enjeux du produit dans les médias. Si le sujet du produit dans les médias vous passionne, retrouvez nos interviews de Guillaume Bance (Prisma Média), Antso Rakoto (France TV), Véronique Royer (France TV) et Matthieu Allemand (Okoo)

On vous conseille aussi un des épisodes du podcast “Génération DIY” avec Guillaume Lacroix, le CEO de Brut.

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